19/06/2020
Margelles n°2 Été 2020 Bruno Guattari. Éditeur
18/05/2020
Margelles n°1 Printemps 2020 Bruno Guattari. Éditeur
30/08/2019
Dans cette brèche
Les murs étaient nus
pour des tableaux qui parlaient d’un autre monde.
Chuchotait et rougissait l’enfant
d’entendre dire et chanter
sous ses yeux les forêts paisibles des Indes galantes
au milieu d’inoubliables terres de Sienne
et des ocres chaulés — il te faudra chercher le mot —
à mystère je me suis engagée dans cette brèche
sans fin.
Des transparences furtives comme des lois
immuables, avec dessous les ongles
il faut s’y voir parfois
des éclats de titan.
C’est un dimanche,
sur la photo on peut voir les grandes personnes,
une profondeur de champ, des choses moins nettes
et à l’embrasure – c’est le mot –
un rideau zinzolin qui fut aussi, longtemps,
le haut lieu d’un geste vissant un doigt sur la tempe.
On peut voir des mains sur les hanches
qui aimait qui. Qui aimait qui ? Qui aimait ?
La table est abandonnée à l’enfant ses dominos
puis là cette aile floue, qui est passé ?
Il ne me vient pas d’autre relief
mais des noms sur les lèvres je me souviens
que revenaient, frappe mémoire, Jheronimus Sieff.
Ostinato
les moindres choses
ont dix mille sillons de correspondances
qui bourdonnent
— jusqu’à la fonderie du sommeil.
Dans le jardin de tant d’arbres,
la maison aux murs nus était de pierres
apparentes dehors apparentes dedans.
Il y avait un gros évier de grès dont les eaux retombaient
à l’extérieur sur des cailloux devenus moussus.
À l’intérieur un bloc surgissant
avait été comme fauché à ras pour faire l’âtre.
Un vent coulis chuchotait des âges, des messages
sans fin on calfeutrait, rien n’y faisait.
Cela sentait encore le coup de sang autant que le baiser.
Mon tout si peu imaginaire bouscule l’âme,
sa délicatesse tantôt renarde. Sur le seuil
un ébahissement : un plafond de plâtre blanc pur
y est tendu comme une frontière.
Ébrouer l’animal en soi,
mais alors, souvent.
Le bureau, l’antre aux grommellements
d’une bête dérangée à l’instant de savoir,
dans le déferlement continu de l’odeur
des livres ouverts comme
des brèches successives qui feraient défenses,
si bien que dès la porte
le jardin a quelque chose d’une jungle
prédisposée,
vorace
de tant de livres ouverts.
Les feuilles font une litière de simples vérités
où le vent souffle.
Aimer faire la course et ne se cogner
que dans beaucoup de lumière verte
— changeante ainsi que le ciel,
la réalité.
La première ville n’est pas si loin,
cette science à l’étranger.
Ici, entre distance mais regards qui voient,
répondre de Paulo et de Meredith, du facteur, du berger ;
et — la peste soit du temps
gravir doucement les marches
du parfum rapproché...
Les escaliers, bien entendu
— justifiés à l’encyclopédie par la roche
& le puits d’un côté, la cave de l’autre ;
ce qui fournit nouveau prétexte
à réussite architecturale (tome A-F), à la beauté
de son giron atypique à sa marche palière.
La lumachelle, la courte échelle et la vie éternelle.
Quand les gens curieux repartent enfin
on vit à nouveau dans l’escalier.
Un tableau était accroché au mur de la salle d’eau,
celui entre les deux fenêtres qui ouvrent sur la forêt.
Le tableau représentait une baigneuse à la toison turquoise.
Je faisais parfois révérence à la baigneuse,
— inconnues
séparées que nous étions —
de sa liberté turquoise, je jouais
à croire qu’il pouvait lui manquer
de ne voir jamais jusque dans le fond de la forêt
ce qui était ma liberté.
Un autre monde est en forêt
le savoir étouffe.
Un autre tableau
est accroché, insolite, dans la grange.
Je suis la première à l’épousseter,
c’est une marine ;
ce qui manque autour.
Impossible de l’enlever, maintenant,
impossible de se défaire de sa raison profonde.
En lisière un pré où les brebis
font une part d’eau claire dans l’ombre des chênes.
C’est un petit troupeau, c’est un voisinage, c’est une sapience
dont on ne sait rien. Le berger arrive en silence.
Nos préoccupations différentes pour une même pluie,
tiennent à la justesse d’une poignée de mains
chaque jour échangée, des mots rares
peuvent nous venir : dépiquer, agonie.
Les bêtes, dites bonnes, me font frémir.
Son dos à lui serpente sous le lin,
voilà le berger qui s’en va, écoute
c’est très beau aussi.
Comme de juste, il est midi.
Cette haie triste d’or dans les champagnes,
la hauteur corrigée des eaux dans le bassin,
une branche qui frotte et qui grince au volet
à vous faire compter les moutons
– en temps de guerre, en temps de paix –
jusqu’à pas d’heure.
Oui, j’imagine ce genre de coup d’œil.
Il ne me plaît pas toujours de lire qu’il [l’oiseau]
occupe pratiquement toutes les régions tropicales et tempérées de l’Ancien monde.
La séduction ne prend pas à chaque fois
on se sait avoir eu une machette au côté
pour en arriver là,
et qu’il en faut une toute autre
pour en finir avec l’infâme grouillement dans son esprit.
Les moments de pot-au-noir
dans beaucoup de ciel au-dessus de soi ;
l’herbe qui fait un appontement en vérité, mais chut.
Chaque jour,
on peut passer vingt fois devant cette fenêtre
sans regarder dehors, puis à un moment
la page du paysage est là et il faut la lire.
Tout s’arrête,
le mauvais sang des dettes des hommes
la corde sur son cou, le misérable que l’on sait.
Cela pourrait être une bonne ruse de l’esprit
un feu au phare le jour.
Aux fenêtres
l’immobilité, le silence
prenaient l’empreinte du moindre geste nonchalant,
hardi ou voleur.
Car, comme douves profondes & parfumées,
des lavandes en rangs serrés flanquaient la maison.
Des tombeaux, des bûchers parfois prennent forme
trop tôt dans une après-midi brûlant les ombres.
Ainsi existe un bruit de mort.
Il y a un geste à faire avant l’affolement :
froisser le parfum des lavandes,
fulgurant
à éveiller l’espace jusqu’à un regard inquiet
qui se penche et qui vous rattrape.
29/09/2015
Bref II
24/09/2015
Bref (I)