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06/08/2020

Les rubans

Le tamier est une plante liane,
un ruban flottant entre la terre et la lune
des histoires en assemblée de femmes, des dianes
remarquables leurs feuilles en forme de cœur
tamier qu'une brise agite à la percussion
en rythme désiré faux rythme jusqu’à l’agacement.
Les sous-bois en regorgent et à midi dans l'univers
– être encore dans le sous-bois à cette heure-là –
plus rien d'autre n'existe que le murmure
des taches de lumière sur ces cœurs verts
dans l'ombre tendue propice comme un théâtre
à la répétition émue des souffrances des plaisirs des souffrances.

 

 

 

 

L’émotion et c’est un ruban qui reste
du chemin, de la route, du trajet
en compagnie altière dans l’attente d’un geste
(et des nuits marquantes sous l’œil de Polaris)
contenu en chacun de ses atomes
inscrits de tout leur poids objectif ressenti
partout autour, alors pourquoi vouloir
attendre l’arrêt céleste.

 

 

 

 

Va au jardin sur les pas de ta fille
quand elle cahotait en menant son ruban
qui se teintait de jus d’herbe et de terre,
puissante l’attraction et le risque sanglant
ajoutés à la neuve question de l’équilibre.
Tu n’étais pas comme une aveugle
dans un pré idyllique où quelque chose
craquait sous la dent à l’heure du fruit
mais brûlait, brûlait, sans signification.

 

 

 

 

Pourquoi cet affreux mascaron livrant la source
quelle rage à tordre le laiton l’eau tombe en ruban
et dans l’allée on trouve des hommes à figure
changeante à la lumière, regards muets poings
longs à défaire sous la langue nouvelle
tantôt des bribes ou des balafres repoussantes
pour des histoires sues de toute éternité
mais qu’est-ce qui filtre entre leurs paupières
quelles âmes pour quels corps se tordent
au bord du précipice des jours on veut tomber.

 

 

 

 

Je vous souhaite de ces collines aux jeunes arbres
quand le silence est la dernière phrase faite
à cause du désarroi ou de l’admiration
on marche au hasard, le soleil veille inutilement
des siècles avant la justice au plaisir d’un chêne
encore souple avec le vent, prendre contenance
tandis que le silence rôde mais regarde,
de tout son corps en balancelle sur un ruban
à la fine écorce son aubaine offerte
d’être bercée en rythme le dos sur la caresse
à l’impudeur impossible je ne fais que penser.

 

 

 

 

Pogostemon cablin, et déjà l’échafaud.
Retrouvé par hasard dans l’air d’une rue froide
il me rappelait, je crois, une foison vivante
librement prise entre nos étables et nos caves,
cette odeur que l’on traînait comme un ruban
qui ne me lâcherait jamais, une seconde peau ainsi
vous ne savez pas ce que vous dites, vous cherchez
en parant déparant au gré, l’échappatoire.
À ses images qui vous dérangent
ses légendes neuves pyramides anciens savoirs
sont consacrées des heures plutôt qu’à l’étrange
agression du patchouli sur une peau aimée.

 

 

 

 

Du temps en foule au café apprendre encore
à supporter la vue du sable qui s’écoule
et de son inexorable ruban
d’un joli beige vanité entendre
le son feutré d’une scie d’une meule
y passe tout un futur ossuaire
sous le brouhaha des conversations
sont-elles proches elles sont loin
mais entre leurs ressorts qui grincent monte le rire
né de tant de sérieux à discourir au sujet
d’un monde devenu incompréhensible.
Une langue de désert s’ouvre.

 

 

 

 

Le privilège de la nudité après tout ce temps
c’est comme lorsque un cerisier se saigne encore
de toute sa pesanteur outrée de rouge sombre
– mais pulpe dilapidée en toute conscience
voir enfin écrites les connivences dans l’ordre.
Honorer, à pleine main, la finesse de la vie,
ou les yeux fermés une marche triomphale
sur un pavement millénaire, le fruit fendu
décrit derrière soi en longs rubans
interdite de rien
– solitaire –
voici le sang toujours cette allégresse.

 

 

 

 

De l'attrait surnaturel pour les soirs d'été autour du solstice,
il y a parfois en des années étranges
répondant à l'étrange, le rêve
comme de Möbius le ruban,
d'une douloureuse adéquation
entre l'âme et le ciel bleu diaphane
dilatés en séduction jusqu'au ventre
puis des tas d'étoiles déjà très peu pâles
pour excéder en somme la fausse transparence.
Je me suis vue rester là, des nuits, belle et absurde
interrogeant un fauteuil vide porté dans l'herbe,
et le recès de l’ombre s’avançait vers moi.

 

 

 

 

Des mois des ans ont passé, je crains le regard
qui accuse en bien en mal le poids les ans
c’est aussi le mien, coup d’œil muet, sans égard
d’un coup frappant le front, au marteau est le temps
au ciseau ou ses doigts, à la métamorphose
d’une image grouillante d’affections venimeuses,
d’un coup sont arrêtées l’embellie, la névrose ;
trois coups encore, le rideau s’ouvre, l’acte commence.
Mais une seule rencontre obscure parfois suffit
à reformer une vérité établie :
un vaisseau femme un homme inattendu
sans âges tout à coup que voient-ils l’un de l’autre
nulle histoire possible et ses heures plus hautes
le salut à des traits peut-être, des éperdus.
Il faudrait un ruban, un mouchoir à tomber
pour d’une péripétie un merci très beau
s’en remettre à la vie – ce don – et vaciller.

 

 

 

 

J’ai connu des vergers d’industrie, fruits à perte
ou vergers pauvres, des fruits partout du jus en eau
à pourrir dans la terre chaude et verte
tout était vrai, poussière, on riait c’était beau.
Entre quatre murs poussent des civilisations
où le fruit devient globe posé sur une assiette,
pêche pelée en ruban puis petites portions
arrachées au noyau, œil, lenteur d’ascète
mais sur la pointe il reste un peu de chair – trop mûre
ou pas assez – alors se voir tailler, lécher
et en enfant sauvage aimer la nourriture.

 

 

 

 

Province vue d'ici province à demi-tue
un saurien entre deux eaux, griffes sur vertus
voyez les tableaux peints à la hâte des siècles
la béatitude des hirondelles le cri
quand vous passez dérangeant la rue vide
et dans les ombres où l'on se crispe, la bouche humide
les yeux fiévreux, à délacer les rubans gris
province à demi-nue mortellement heureux.

 

 

 

 

Dimanche, quel imaginaire
surgit, prophétise
dans la page atone de la semaine
un calme de Colorado ?
Plus un seul mouvement sur la terre
à peine un souffle de vent qui soulève
un ruban de poussière, ce qu’il attise
– les cinq sens saturés, l’esprit avide encore
empruntant à l’animal d’être seul, alerte
entre gîtes et foyers, flairant les accords
des âmes cachées dans la peupleraie déserte,
aller d’un signe à l’autre, un nom, une porte
ici du linge sèche, comment vivre là
être partout étranger, familier.

 

 

 

 

Questeur des murailles,
pas de sot métier appris des circonstances,
la pâture aux sensibles est n’importe où
dans une attente les dents serrées sous le soleil
comme fauve enfant d’un grand espace étouffant ; 
alors femme fauve se rue entre les murs épais
pour être toujours attachée
d'un ruban liquide d’ombre et de fraîcheur,
combien désireuse à cette brusque mante
des mains d’un invisible pêcheur.

 

 

 

 

Une feuille détachée de l’arbre est immobile dans l’air, on la sait suspendue à un fil d’araignée ; mais ce phénomène infime, vide de secret, parvient toujours à défaire la conscience des choses et plaire. Comment la magie profonde du monde ne nous quitte-t-elle jamais tout à fait ? C’est une question de vie ou de mort me dit la sagesse qui me vient à l’âme entre deux états de mon âme : rappelle-toi jusqu’à la douleur dans tes mains quand tu les tords l’une sur l’autre en profonde prière ; comme alors le plus petit atome qui est la pensée entière de ce qui t’importe, peut avoir la puissance d’un aimant dans toute ta pauvre cervelle qui peine à assembler jusqu’au bout les pans de cathédrale qu’elle imagine pourtant si bien. Comme le poids irrésistible d’une pensée peut fendre l’amas insondable de ton esprit formant à sa suite le ruban de nacre d’une vérité qui était éparpillée partout en fragments que tu ne savais pas lier. La plupart du temps n'être rien et s'en contenter.

 

 

 

 

 

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Chronique des jours-échelle